camille baisamy
LE CIMETIÈRE DE LA MISÉRICORDE // "À la quête d'une temporalité en suspend" // 2018 // Nantes
Diplôme de fin d'études

Froid, rigide, austère, intimidant, mais aussi emprunt de poésie, de nostalgie et de silence, le cimetière à la fois repousse et intrigue. Abrité derrière ses hauts murs, on n’en perçoit rien. Il se cache, maintenant son intimité. Efficient dans son organisation, chaque espace est optimisé, transformant chaque recueillement en une expédition pour les vivants : on accède difficilement à la tombe que l’on souhaite visiter; on glisse, manquant de tomber sur une tombe voisine, on s’excuse; on souhaite rester un temps, s’asseoir, mais le manque de place nous fait vite rebrousser chemin; on décide alors de nettoyer un peu... La bienséance fait qu’on n’ose ni y rire, ni vraiment y parler. Pourquoi ressentons-nous ce sentiment de malaise dans un cimetière? Pourquoi sommes-nous si nombreux à ignorer ces espaces, à rechigner à l’idée d’y aller? Pourquoi sont-ils si fortement méprisés? La première réponse est évidente, le cimetière symbolise la mort, la dernière étape d’un deuil et pour mieux passer à autre chose, on y retourne peu, préférant l’éviter un temps. Cependant, si l’on se détache de cette symbolique qui nous aveugle au quotidien, et si l’on analyse les lieux objectivement, on prend conscience qu’ils établissent un lien particulier aux territoires dans lesquels ils s’implantent. Entouré par un mur de 4m de haut coupant tout rapport, ne serait-ce que visuel entre l’intérieur et l’extérieur, le cimetière représente une enclave en ville, une rupture de l’urbanisation. Il procède à un effacement progressif de la mort de l’espace public. Un lieu hors la ville, alors même que bien souvent il se trouve en son cœur. Le paradoxe questionné ici c’est ce monde des morts si peu avenant pour les vivants qui le fréquentent sous la contrainte et donc le cimetière non pas comme seul territoire des morts mais pour les liens qu’il entretient ou non avec la ville. Face à des constats tels que le déni de la mort dans nos sociétés occidentales, l’évolution des pratiques funéraires, ou encore la saturation des cimetières, il convient de penser un renouveau des pratiques funéraires et les lieux contemporains du deuil mais il est nécessaire également d’intégrer ces lieux dans une quotidienneté. Alors comment requestionner la place et les usages des cimetières urbains dans la ville d’aujourd’hui? Comment peut-on apprivoiser, rendre familier le cimetière pour les vivants?








Ce projet propose une conception du cimetière comme «territoire des vivants, en communion de pensée avec les morts», plutôt que l’image d’un cimetière-territoire des morts uniquement. L’enjeu principal est de défier les nombreuses limites du cimetière qui nous empêchent de profiter de l’espace, de voir, de traverser...; limites inscrites dans les mentalités depuis des siècles, pour des raisons de bienséance issues de l’héritage des traditions. Par la réalisation d’un complexe funéraire, le projet se veut d’apporter une attention particulière et soignée à l’architecture des espaces de deuil et de recueillement, trop souvent négligée. C’est bien en problématisant le cimetière, que l’on requestionne en partie la place du défunt, des familles endeuillées et celle de la mort au sein de la ville et de la société, en repensant un équipement funéraire en cœur de ville. Dans cette réflexion sur l’apprivoisement du cimetière, il convient certes de penser les équipements funéraires de cérémonie et de traitement du corps, mais aussi ceux visant à accompagner et informer les familles. Il accueillera un funérarium, des salons d’attente, une salle de cérémonie, mais aussi des espaces de convivialité, des espaces de réunion, des archives et un pôle administratif, le tout en deux bâtiments. Au quotidien, le cimetière s’accompagne de nouveaux usages en pensant une porosité de la ville vers le cimetière et du cimetière vers la ville. Ce travail s’opère par des interventions architecturales et paysagères liées à la détente, et ce autour du mur d’enceinte, de l’entrée rue du Bourget, et au niveau des dents creuses.

